Il est vrai que depuis un siècle, la médecine du monde occidental, notre médecine, a réussi à « maîtriser » de nombreuses maladies en accordant ainsi plus de temps de survie à des patients qui auraient eu autrement une issue fatale plus tôt. Pourtant, les progrès de la médecine moderne ont conduit, parallèlement à l’augmentation de l’espérance de vie, à une extension de l’espérance de vie en dépendance. En d’autres termes, nous trouvons souvent des patients dépendants d’assistants formels (infirmiers) ou informels (famille) pour leurs besoins essentiels, et ce, pendant de longues périodes avant qu’ils ne finissent leur vie des maladies mêmes qui ont souvent conduit à la perte de leur autonomie.
Cette extension de l’espérance de vie en dépendance a bien sûr des répercussions économiques. À titre indicatif, l’assurance-maladie Medicare aux États-Unis a estimé que 30% des dépenses totales de santé d’une personne donné sont versés pour les soins de la dernière année de sa vie. De même, un septuagénaire en maison de retraite coûtera jusqu’à la fin de sa vie, 65% de plus qu’un septuagénaire en bonne santé. Des études ont montré que les personnes âgées en bonne santé, même si elle poussent l’espérance de vie en haut, ne contribuent pas du tout à la hausse des coûts de la santé, avec des preuves même qui démontrent le contraire. Ce n’est pas donc le vieillissement de la population qui coûte mais plutôt le vieillissement en mauvaise santé, avec des maladies chroniques qui répercutent sur l’autonomie de l’individu.
Un aspect inestimable est aussi le coût psychologique pour le patient lui-même (dignité, réduction de l’indépendance, atteinte à l’image du «soi») et pour la famille (frictions, perte du rôle social et familial du proche, heures de travail informelles, «épuisement du soignant»). Le drame contemporain de l’existence de l’homme n’est donc plus la conscience de la mort mais le vécu d’une descente graduelle vers la mort. Le fait que nous allons mourir est une conscience commune et une certitude (presque comme les impôts selon les Américains). Mais où chacun de nous peut faire la différence c’est sur le comment.